Page:Rolland Handel.djvu/148

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Il est le génie qui boit la vie universelle, et s’assimile à elle. Sa volonté artistique est nettement objective. Elle s’adapte aux mille spectacles des choses passagères, à la nation, au temps où il vit, à la mode même ; elle s’accommode des influences, au besoin des obstacles ; elle épouse les autres styles et les autres pensées. Mais telle est la puissance d’assimilation et l’équilibre souverain de cette nature, que jamais on ne la sent submergée par la masse des éléments étrangers : tout est aussitôt absorbé, dirigé, classé. Cette âme immense est comme une mer, dont tous les fleuves de l’univers ne sauraient apaiser la soif ni troubler la sérénité.

Les génies allemands ont eu souvent ce pouvoir d’absorber les pensées et les formes étrangères[1] ; mais il est excessivement rare de trouver parmi eux ce grand objectivisme, cette impersonnalité supérieure qui est, pour ainsi dire, la marque de Hændel. Leur lyrisme sentimental est mieux fait pour chanter l’univers de leur pensée que pour peindre l’univers des formes et des rythmes vivants. Tout autre est Hændel, et beaucoup plus près que quiconque en Allemagne du génie méditerranéen, de ce génie

  1. Lessing, dans la préface de ses Beiträge zur Historie und Aufnahme des Theaters (1750), donne pour caractéristique principale de l’Allemand, « qu’il apprécie ce qu’il y a de bon, partout où il le trouve, et qu’il en fait son profit ».