Page:Rolland Handel.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant ce premier séjour. Lui-même devait être désorienté dans ce monde nouveau : il lui fallait le temps de se ressaisir. Sans doute écrivit-il seulement quelques cantates, dont l'une, d'un caractère dramatique, Lucrezia, fut plus tard populaire en Italie et en Allemagne[1]. Le style en est encore presque tout germanique.

De Florence, il alla à Rome, pour les fêtes de Pâques, en avril 1707. Là non plus, le moment n’était pas très favorable pour lui. Le grand théâtre d’opéra, le Tor di Nona, avait été détruit comme immoral, dix ans avant, par le pape Innocent XII. Depuis 1700, les choses s’étaient un peu améliorées pour les musiciens ; mais en 1703, un terrible tremblement de terre avait désolé l'Italie et réveillé les inquiétudes religieuses[2]. Jusqu'en 1709, c'est-à-dire pendant tout le séjour de Hændel en Italie, il n'y eut pas,

  1. T. LI des œuvres complètes. On a prétendu que cette Lucrezia avait été écrite pour une Lucrezia, chanteuse de la cour de Toscane, qui révéla la première à Hændel la beauté du chant italien, — et des Italiennes.
  2. Dans toute l'Europe du commencement du XVIIIe siècle a passé comme une vague de piétisme. Les historiens n'ont guère fait attention qu'aux influences locales. C'est ainsi que l'on a attribué uniquement à l'influence de Louis XIV vieillissant et de son entourage la recrudescence du sentiment religieux en France. Mais des phénomènes analogues se produisaient dans l'Italie, dans l'Allemagne, dans l'Angleterre du même temps. Il y a de ces grands courants moraux, qui, sans que l'on puisse dire exactement pourquoi, parcourent brusquement tout le monde civilisé, comme un frisson de fièvre.