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l'opéra en allkmaGiN'e. 205

la musique, dans la fréquentation des chefs d'oeuvre et des hom- mes du seizième siècle, le défend contre les exagérations du genre récitatif et descriptif. En 1648, dans l'avant-propos des musicali ad chorum sacrum, il soutient énergiquement les tradi- tions du passé, et le vieux contrepoint, contre l'art nouveau et la basse continue. <r Oui, quand bien même ignorants et savants y verraient des harmonies célestes, ce n'en vaudrait pas mieux qu'une noix vide. » D'ailleurs les besoins de sa race, son tempé- rament musical, veulent une autre expression. L'Italien est curieux des moindres traits de la vie extérieure ; il vibre tout entier dans un mot; il s'abandonne au flot de sensations qui l'entraînent sans crainte de s'y perdre; car il se retrouve en toutes. L'Allemand est plus calme, ou sa flamme est concentrée; son épiderme moral est moins sensible; il s'intéresse moins au détail et le voit médiocrement; il faut que ce détail soit bien matériel pour le détourner un instant de sa pensée intérieure; encore l'y confond-il, et c'est chez la plupart un singulier mé- lange d'idéalisme accommodé aux besoins les plus vulgaires. Chez les hommes d'élite, tout l'intérêt est dans l'âme, tout le drame dans le cœur. De là vient que Schûtz, au lieu de peindre ses héros par l'extérieur et par l'action, les représente par l'âme, par les profondeurs douloureuses ou joyeuses de l'être. Si l'on ne craignait de paraître jouer sur les mots, c'est plutôt (comme dans presque toute la musique allemande, à l'exception de Mozart) du lyrisme dramatique que du drame lyrique. En cela, il est d'accord avec les graves sujets qu'il traite. Il ne s'agit pas d'une repré- sentation profane, mais d'une communion paisible et recueillie en d'austères pensées et des émotions saintes. Puisant la source de ses inspirations, non dans le flot changeant des émotions, mais dans le fond immuable de l'âme, qui semblable à la mer, garde dans ses retraites une sorte d'impassibilité parmi toutes les tour- mentes qui agitent sa surface, Schûtz imprime à chacune de ses œuvres une magnifique unité; dès 1629, il a donné à Y Aria un développement logique et superbe, qu'il n'aura que plus tard chez les Italiens, et rarement avec autant de force. L'orchestre et la voix s'associent dans une même pensée. L'architecture en est lourde parfois, carrée, massive, dure, mais l'ensemble est impo- sant. La déclamation n'est pas le privilège de la voix. Tout déclame et tout chante. Quand David pleure son fils Absalon (1),

��(1) Plaintes de David, pour basse, 4 trombones et orgue. Première partie des Symphoniae Sacrae, 1629, Veniso. (Les parolos sont tirées du livre de

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