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la vie de Michel-Ange

soixante ans, sa vie semble finie. Il est seul, il ne croit plus à ses œuvres ; il a la nostalgie de la mort, le désir passionné d’échapper enfin « au changement d’être et de désir », à « la violence des heures », à la tyrannie « de la nécessité et du hasard ».

Hélas ! Hélas ! je suis trahi par mes jours qui ont fui… J’ai trop attendu,… le temps m’a fui, et voici que je me trouve vieux. Je ne peux plus me repentir, ni me recueillir, avec la mort auprès de moi… Je pleure en vain : nul malheur n’est égal au temps qu’on a perdu…

Hélas ! Hélas ! quand je tourne les yeux vers mon passé, je ne trouve pas un seul jour qui ait été à moi ! Les fausses espérances et le vain désir, — je le reconnais à présent, — m’ont tenu, pleurant, aimant, brûlant et soupirant, — (car pas une affection mortelle ne m’est inconnue), — loin de la vérité…

Hélas ! Hélas ! je vais, et je ne sais pas où ; et j’ai peur… Et si je ne me trompe, — (oh ! Dieu veuille que je me trompe !) — je vois. Seigneur, je vois le châtiment éternel, pour le mal que j’ai fait en connaissant le bien. Et je ne sais plus qu’espérer…[1]

  1. Poésies, XLIX. Voir aux Annexes, X.
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