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AMOUR

prince d’Urbin. Sa race était une des plus nobles d’Italie, une de celles où s’était le mieux incarné le lumineux esprit de la Renaissance. À dix-sept ans, elle épousa le marquis de Pescara, Ferrante Francesco d’Avalos, grand général, — le vainqueur de Pavie. — Elle l’aima ; il ne l’aima point. Elle n’était pas belle.[1] Les médailles qu’on connaît d’elle montrent une figure virile, volontaire, et un peu dure : haut front, nez long et droit, lèvre supérieure courte et morose, lèvre inférieure légèrement avançante, bouche serrée, menton accusé.[2]

  1. Les beaux portraits où l’on a prétendu la reconnaître n’ont aucune authenticité. — Tel, le dessin fameux des Uffizi, où Michel-Ange a représenté une jeune femme casquée. Tout au plus, a-t-il pu subir, en le faisant, l’influence inconsciente du souvenir de Vittoria, idéalisée et rajeunie ; car la figure des Uffizi a les traits réguliers de Vittoria et son expression sévère. L’œil est préoccupé, grand, et le regard dur. Le cou est nu, les seins découverts. L’expression est d’une violence froide et concentrée.
  2. Ainsi la représente une médaille anonyme, reproduite dans le Carteggio di Vittoria Colonna (publié par Ermanno Ferrero et Giuseppe Müller). Telle Michel-Ange la vit, sans doute. Ses cheveux sont cachés par une grande coiffe rayée ; elle porte une robe sévèrement fermée, avec une échancrure au cou.

    Une autre médaille anonyme la montre jeune et idéalisée. (Reproduite dans Müntz : Histoire de l’Art pendant la Renaissance, III, 248, et dans l’Œuvre et la Vie de Michel-Ange, publiée par la Gazette des Beaux-Arts.) Elle a les cheveux relevés et noués par un ruban au-dessus du front ; une boucle tombe sur la joue, de fines nattes sur la nuque. Le front est haut et droit ; l’œil regarde avec une attention un peu lourde ; le nez long et régulier a la narine grosse ; les joues sont pleines, l’oreille large et bien faite ; le menton droit et fort est levé ; le cou nu, un léger voile autour ; les seins nus. L’air est indifférent et boudeur.

    Ces deux médailles, faites à deux âges de la vie présentent comme traits communs, le froncement de la narine et de la lèvre supérieure, un peu maussade ; et la bouche petite, silencieuse, méprisante. L’ensemble de la figure dénote un calme sans illusions, sans joie.

    Frey a cru, d’une façon un peu hasardeuse, retrouver l’image de Vittoria dans un étrange dessin de Michel-Ange, au revers d’un