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la vie de Michel-Ange

Grecs n’auraient jamais rien eu de semblable : — paroles, dit Vasari, telles qu’il n’en sortit jamais de sa bouche, ni avant, ni après ; car il était extrêmement modeste ». Les Florentins acceptèrent le plan, sans rien y changer. Un ami de Michel-Ange, Tiberio Calcagni, exécuta, sous sa direction, un modèle en bois de l’église : — « c’était une œuvre d’un art si rare, qu’on n’a jamais vu une église pareille, pour la beauté, la richesse et la variété. On commença la construction, on dépensa 5.000 écus. Puis, l’argent manqua, on en resta là, et Michel-Ange en éprouva le plus violent chagrin. »[1] L’église ne fut jamais construite, et même le modèle a disparu.

Telle fut la dernière déception artistique de Michel-Ange. Comment eût-il pu avoir l’illusion, en mourant, que Saint-Pierre, à peine ébauché, serait jamais réalisé, qu’aucune de ses œuvres lui survivrait ? Lui-même, s’il eût été libre, peut-être les eût-il brisées. L’histoire de sa dernière sculpture, la Déposition de Croix de la cathédrale de Florence, montre à quel détachement de l’art il était arrivé. S’il continuait encore de sculpter, ce n’était plus par foi dans l’art, mais par foi dans le Christ, et parce que « son esprit et sa force ne pouvaient s’empêcher de créer ».[2] Mais quand il eut fini son œuvre, il la brisa.[3] « Il l’eût détruite entièrement, si

  1. Vasari.
  2. Vasari.

    Ce fut en 1553 qu’il commença cette œuvre, la plus émouvante de toutes ses œuvres ; car elle est la plus intime : on sent qu’il n’y parle que pour lui, il souffre, et s’abandonne à sa souffrance. Au reste, il s’est représenté lui-même, semble-t-il, dans le vieillard, au visage douloureux, qui soutient le corps du Christ.

  3. En 1555.
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