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la vie de Michel-Ange

tation tomba. — Revenu à Bologne, où il passa l’hiver,[1] il oublie totalement le prophète et les prophéties. La beauté du monde le reprend. Il lit Pétrarque, Boccace et Dante. Il repasse à Florence, au printemps de 1495, pendant les fêtes religieuses du Carnaval et les luttes enragées des partis. Mais il est si détaché maintenant des passions qui se dévorent autour de lui, que, par une sorte de défi contre le fanatisme des Savonarolistes, il sculpte son fameux Cupidon endormi, que ses contemporains prirent pour un antique. Il ne reste d’ailleurs que quelques mois à Florence ; il va à Rome, et, jusqu’à la mort de Savonarole, il est le plus païen des artistes. Il sculpte Bacchus ivre, Adonis mourant, et le grand Cupidon, l’année même où Savonarole fait brûler « les Vanités et les Anathèmes » : livres, parures, œuvres d’art.[2] Son frère, le moine Lionardo, est poursuivi, pour sa foi dans le prophète. Les dangers s’accumulent sur la tête de Savonarole : Michel-Ange ne revient pas à Florence, pour le défendre. Savonarole est brûlé :[3] Michel-Ange se tait. Nulle trace de cet événement dans aucune de ses lettres.

  1. Il y était l’hôte du noble Giovanni Francesco Aldovrandi, qui lui vint en aide, à l’occasion de certains démêlés avec la police de Bologne. Il travailla alors à la statue de San Petronio, et à une statuette d’ange pour le tabernacle (Arca) de San Domenico. Mais ces œuvres n’ont aucunement le caractère religieux. C’est toujours la force orgueilleuse.
  2. Michel-Ange arriva à Rome, en juin 1496. Le Bacchus ivre, l’Adonis mourant (musée du Bargello) et le Cupidon (South-Kensington) sont de 1497. — Michel-Ange semble avoir aussi dessiné, dans ce même temps, le carton d’une Stigmatisation de saint François, pour San Pietro in Montorio.
  3. Le 23 mai 1498.
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