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LE DÉSESPOIR

château, et continua sa fuite. Il arriva, le 25 septembre, à Venise. La Seigneurie, en ayant eu avis, lui envoya deux gentilshommes, pour mettre à sa disposition tout ce dont il pouvait avoir besoin ; mais honteux et sauvage, il refusa, et se retira à l’écart, à la Giudecca. Il ne se croyait pas encore assez loin. Il voulait fuir en France. Le jour même de son arrivée à Venise, il adresse une lettre anxieuse et trépidante à Battista della Palla, agent de François Ier en Italie pour l’achat des œuvres d’art :

Battista, très cher ami, j’ai quitté Florence pour aller en France ; et, arrivé à Venise, je me suis informé du chemin : on m’a dit que, pour y aller, il fallait passer par les pays allemands, ce qui est dangereux et pénible pour moi. Avez-vous encore l’intention d’y aller ?… Je vous en prie, informez-m’en, et dites-moi où vous voulez que je vous attende : nous irons ensemble… Je vous en prie, répondez-moi, au reçu de cette lettre, et aussi vite que vous pourrez ; car je me consume du désir d’y aller. Et si vous n’avez plus envie d’y aller, faites-le moi savoir, afin que je me décide, coûte que coûte, à aller seul…[1]

L’ambassadeur de France à Venise, Lazare de Baïf, se hâta d’écrire à François Ier et au connétable de Montmorency ; il les pressait de profiter de l’occasion pour attacher Michel-Ange à la cour de France. Le roi fit offrir aussitôt à Michel-Ange une pension et une maison. Mais cet échange de lettres prit naturellement un certain temps ; et quand arriva l’offre de François Ier, Michel-Ange était déjà retourné à Florence.

Sa fièvre était tombée. Dans le silence de la Giudecca,

  1. Lettre de Michel-Ange à Battista della Palla. (25 septembre 1529)
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