Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/145

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pêcha plusieurs anguilles. Ils allumèrent un feu d’herbe sèche et de rameaux, joyeux de flairer l’odeur des chairs rôties. La vie fut bonne, la force emplit leur jeunesse ; ils croyaient avoir lassé les Nains Rouges et ils achevaient de ronger les os du râle, lorsque des bêtes jaillirent des buissons. Naoh reconnut qu’elles fuyaient un ennemi considérable. Il se leva, il eut le temps de voir une forme furtive, dans un interstice des végétaux.

— Les Nains Rouges sont revenus ! dit-il.

Le péril était plus redoutable que naguère. Car les Nains Rouges pouvaient suivre les Oulhamr à couvert, leur couper la route par des embuscades.

Une bande de territoire s’allongeait, presque nue et favorable à la fuite, entre le marécage et la brousse. Les Oulhamr se hâtèrent de charger les cages, les armes et ce qui leur restait de chair. Rien n’entrava leur départ. Si l’ennemi les suivait par les buissons, il devait perdre du terrain, étant ensemble moins leste et entravé par les végétaux. La lande aride s’élargit d’abord, puis elle commença à se rétrécir parmi des arbres, des arbustes ou des herbes hautes. Pourtant le sol demeurait solide, et Naoh était sûr d’avoir distancé les Nains Rouges : tant qu’aucun obstacle ne se présenterait, il garderait l’avantage.

Les obstacles vinrent. Le marécage avança des tentacules sur la plaine, des havres profonds, des mares, des canaux gorgés de plantes visqueuses. Les fugitifs voyaient leur route obstruée sans relâche : ils devaient tourner, biaiser et même revenir sur leurs pas. À la fin, ils se trouvèrent resserrés sur une bande granitique, que limitaient à droite l’eau immense, à gauche des terrains inondés par les crues d’automne. L’ossature granitique s’abaissa et disparut ; les Oulhamr se trouvaient cernés sur trois faces : il leur fallait ou rebrousser chemin, ou attendre les coups du hasard.