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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/170

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le sommeil ou qui sortent d’un rêve ; et cependant, ils ne se trompaient presque jamais.

Il y avait abondance de vivres. Les Wah connaissaient beaucoup de racines comestibles ; surtout, ils excellaient à surprendre les poissons. Ils savaient les atteindre avec le harpon, les saisir à la main, les enchevêtrer d’herbes souples, les attirer la nuit avec des torches, orienter leurs bancs vers des criques. Par les soirs, quand le feu resplendissait sur un promontoire, dans une île ou sur un rivage, ils goûtaient un bonheur doux et taciturne. Ils aimaient s’asseoir en groupe, serrés les uns contre les autres, comme si leurs individualités affaiblies se retrempaient dans le sentiment de la race, tandis que les Oulhamr s’espaçaient, surtout Naoh, qui, pendant de longs intervalles, se plaisait à la solitude. Souvent les Wah faisaient entendre une mélopée très monotone, qu’ils répétaient à l’infini, et qui célébrait des actes anciens, dont aucun n’avait le souvenir ; elle devait se rapporter à des générations mortes depuis longtemps. Rien de tout cela n’intéressait le fils du Léopard. Il en concevait du malaise et presque de la répugnance. Mais il observait, avec une curiosité véhémente, leurs gestes de chasse, de pêche, d’orientation, de travail, particulièrement la manière dont ils se servaient du propulseur et dont ils tiraient le feu des pierres.

Il s’initia vite au jeu du propulseur. Comme il inspirait aux alliés une sympathie croissante, ils ne lui cachèrent aucun secret. Il put manier leurs armes et leurs outils, apprendre comment ils les réparaient et, des propulseurs s’étant perdus, il en vit construire d’autres. D’ailleurs, la femme-guide lui en donna un, dont il se servit avec autant d’adresse et beaucoup plus de force que les Hommes-sans-épaules.

Il s’attarda davantage à concevoir le mystère du