Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/199

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prévision. Et, sentant leur force décrue devant une ruse mystérieuse, tous trois reculèrent : Roukh n’avait pu ressaisir sa massue que de la main gauche.

Cependant, Naoh profitait de leur surprise pour aider Nam à descendre ; les six hommes se trouvèrent dans la plaine, attentifs et pleins de haine. Tout de suite, le fils du Léopard obliqua vers la droite, par où le passage était plus large et plus sûr. Là, Aghoo barrait la route. Ses yeux circulaires épiaient chaque geste de Naoh. Il s’entendait merveilleusement à éviter la sagaie et le harpon. Et il s’avançait dans l’espoir que les adversaires épuiseraient sur lui, vainement, leurs projectiles, tandis que Roukh arrivait au galop. Mais Naoh recula, fit un crochet brusque et menaça le troisième frère, qui attendait, appuyé sur un harpon. Ce mouvement força Roukh et Aghoo à évoluer vers l’ouest ; l’étendue s’ouvrit, plus large ; Nam, Gaw et Naoh se précipitèrent ; ils pouvaient maintenant fuir sans crainte d’être cernés.

— Les fils de l’Aurochs n’auront pas le Feu !… cria le chef d’une voix retentissante. Et Naoh prendra Gammla.

Tous trois fuyaient sur la plaine libre, et peut-être auraient-ils pu atteindre la tribu sans combattre. Mais Naoh comprenait qu’il fallait cette nuit même risquer la mort contre la mort. Deux des Velus étaient blessés. Se dérober à la lutte, c’était leur donner la guérison, et le péril renaîtrait plus terrible.

Dans cette première phase de la poursuite, Nam même, malgré sa blessure, eut l’avantage. Les trois compagnons gagnèrent plus de mille pas. Ensuite, Naoh arrêta la course, remit le Feu à Gaw et dit :

— Vous courrez sans vous arrêter vers le couchant… jusqu’à ce que je vous rejoigne.

Ils obéirent, gardant leur vitesse, tandis que le chef suivait plus lentement. Bientôt il se retourna, il fit face aux