Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/203

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Aghoo se redressa. Son crâne dur était rouge, son bras droit pendait comme une branche rompue, ses jambes n’avaient plus de force. Mais l’instinct opiniâtre phosphorait dans ses yeux et il avait repris la massue de la main gauche. Il la brandit une dernière fois. Avant qu’elle eût frappé, Naoh la faisait tomber à dix pas.

Et Aghoo attendit la mort. Elle était en lui déjà ; il ne comprenait pas autrement la défaite ; il se souvint avec orgueil de tout ce qu’il avait tué parmi les créatures, avant de succomber lui-même.

— Aghoo a écrasé la tête et le cœur de ses ennemis ! murmura-t-il. Il n’a jamais laissé vivre ceux qui lui ont disputé le butin ou la proie. Tous les Oulhamr tremblaient devant lui.

C’était le cri de sa conscience obscure et, s’il avait pu se réjouir dans la défaite, il se serait réjoui. Du moins sentait-il la vertu de n’avoir jamais fait grâce, d’avoir toujours anéanti le piège qu’est la rancune du vaincu. Ainsi ses jours lui semblaient sans reproche… Lorsque le premier coup de mort retentit sur son crâne, il ne poussa pas une plainte ; il n’en poussa que lorsque la pensée eut disparu, qu’il ne resta qu’une chair chaude dont la massue de Naoh éteignait les derniers tressaillements.

Ensuite, le vainqueur alla achever les deux autres frères.

Et il sembla que la puissance des fils de l’Aurochs fût entrée en lui. Il se tourna vers la rivière, il écouta gronder son cœur ; les temps étaient à lui ! Il n’en voyait plus la fin.