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XI

DANS LA NUIT DES ÂGES


Chaque jour, au déclin, les Oulhamr attendaient avec angoisse le départ du soleil. Quand les étoiles seules demeuraient au firmament ou que la lune s’ensevelissait dans les nuages, ils se sentaient étrangement débiles et misérables. Tassés dans l’ombre d’une caverne ou sous le surplomb d’un roc, devant le froid et les ténèbres, ils songeaient au Feu qui les nourrissait de sa chaleur et chassait les bêtes redoutables. Les veilleurs ne cessaient de tenir leurs armes prêtes ; l’attention et la crainte harassaient leurs têtes et leurs membres : ils savaient qu’ils pouvaient être saisis à l’improviste, avant d’avoir frappé. L’ours avait dévoré un guerrier et deux femmes ; les loups et les léopards s’étaient enfuis avec des enfants ; beaucoup d’hommes portaient les cicatrices de combats nocturnes.

L’hiver venait. Le vent du nord lançait ses sagaies ; sous les ciels purs, le gel mordait avec des dents aiguës. Et une nuit, Faouhm, le chef, dans une lutte contre le lion, perdit l’usage du bras droit. Ainsi, il devint trop faible pour imposer son commandement : le désordre grandit dans la horde. Hoûm ne voulut plus obéir. Moûh prétendit être le premier parmi les Oulhamr. Tous deux eurent des partisans, tandis qu’un petit nombre restait fidèle à Faouhm. Pourtant, il n’y eut pas de lutte armée. Car tous étaient las : le vieux Goûn les entretenait de leur faiblesse et du péril qu’il y avait à s’entre-tuer. Ils le comprenaient : à l’heure des ténèbres, ils