Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/46

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crue d’un faon, avec des noix cueillies dans la forêt, puis ils se remirent à scruter le territoire. Quelque élaphe, quelque chevreuil filaient vers l’eau ; des corbeaux s’élevaient avec un cri de guerre ; un aigle planait à la hauteur des nuages. Puis un lynx bondit à la poursuite d’une sarcelle, un léopard rampa furtivement parmi les saules.

L’ombre s’allongeait encore. Elle couvrit bientôt la savane ; le soleil tombait derrière les arbres, tel un immense brasier circulaire, et le temps fut proche où la vie carnivore allait dominer les solitudes. Rien ne l’annonçait encore. Il se faisait un bruit innocent de passereaux ; solitaires ou par bandes, ils lançaient vers le soleil leur hymne rapide, hymne de regret et de crainte, hymne de la grande nuit sinistre.

C’est alors qu’un urus surgit de la forêt. D’où venait-il ? Quelle aventure l’avait isolé ? S’était-il attardé ou, au contraire, ayant marché trop vite, menacé par les ennemis ou les météores, avait-il fui au hasard ? Les nomades ne se le demandaient point ; la passion de la proie les saisissait, car si les chasseurs de leur tribu ne s’attaquaient guère aux troupeaux des grands herbivores, ils guettaient les bêtes solitaires, surtout les faibles et les blessées. La bravoure et la ténacité des urus se retrouvent dans telle race de nos taureaux, mais l’urus avait une tête moins obscure. L’espèce était à son apogée. Lestes, avec une respiration vive, un sens clair du péril et une ruse complexe, ces forts organismes circulaient magnifiquement sur la planète.

Naoh se leva avec un grondement. Après la victoire sur un fauve, rien n’était plus glorieux que d’abattre un grand herbivore. L’Oulhamr sentit dans son cœur cet instinct par quoi se maintient tout ce qui fut nécessaire à la croissance de l’homme ; son ardeur augmentait à mesure qu’approchaient le poitrail spacieux et les cornes