Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/68

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quelque distance, le dos tourné aux blocs basaltiques, elle guettait. Or, Naoh, pendant sa veille, avait silencieusement déblayé la sortie. Si l’attention de la tigresse s’éveillait tout de suite, un seul homme, deux au plus auraient le temps de surgir du refuge. S’étant assuré que les armes étaient en état, Naoh commença par pousser dehors son harpon et sa massue, puis il se coula avec une prudence infinie. La chance le favorisa : des hurlements de loups, des cris de hulotte couvrirent le bruit léger du corps frôlant la terre. Naoh se trouva sur la prairie, et déjà la tête de Gaw arrivait à l’ouverture. Le jeune guerrier sortit d’un mouvement brusque ; la tigresse se retourna et regarda fixement les Nomades. Surprise, elle n’attaqua pas tout de suite, si bien que Nam put arriver à son tour. Alors seulement la tigresse fit un bond, avec un miaulement d’appel ; puis elle continua de se rapprocher des hommes, sans hâte, sûre qu’ils ne pourraient échapper. Eux, cependant, avaient levé leurs sagaies. Nam devait lancer la sienne tout d’abord, puis Gaw, et tous deux viseraient aux pattes. Le fils du Peuplier profita d’un moment favorable. L’arme siffla ; elle atteignit trop haut, près de l’épaule. Soit que la distance fût excessive, soit que la pointe eût glissé de biais, la tigresse ne parut ressentir aucune douleur : elle gronda et hâta sa course. Gaw, à son tour, lança le trait. Il manqua la bête, qui avait fait un écart. C’était au tour de Naoh. Plus fort que ses compagnons, il pouvait faire une blessure profonde. Il lança le trait alors que la tigresse n’était qu’à vingt coudées ; il l’atteignit à la nuque. Cette blessure n’arrêta pas la bête qui précipita son élan.

Elle arriva sur les trois hommes comme un bloc : Gaw croula, atteint d’un coup de griffe sur la mamelle. Mais la pesante massue de Naoh avait frappé ; la tigresse hurlait, une patte rompue, tandis que le fils du Peuplier