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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/257

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LE CLOU

le capitaine du détachement, Charval se défendit énergiquement d’avoir pris part à la bagarre. On produisit un chassepot abandonné au pied d’un arbre et qu’on l’accusait d’avoir jeté au moment où il se vit sur le point d’être capturé.

Le capitaine, une brute flave, malveillante, d’aspect plutôt stupide, comprenait mal le français et s’obstinait à croire qu’il le possédait à fond. Au reste, son siège semblait fait ; après un interrogatoire sommaire, il grogna :

— Vis être eine caneille !… C’est drop pon de fous fusiller !

Charval, qui avait femme et enfants, protesta avec véhémence, et demanda à appeler, en témoignage de sa correction, le maire et le curé. Le capitaine, haussant les épaules, se tourna vers deux lieutenants qui opinèrent avec énergie pour la mort immédiate. Le malheureux fut collé contre une muraille et, devant sa femme qui venait d’accourir, on le fusilla.

Il n’y avait pas que la femme qui assistait à l’exécution. Outre quelques rustres qui regardaient de loin, avec épouvante, le fils de Charval, un gamin de dix ans, fluet, le visage maigre, le regard concentré, était présent. Il avait, lui, tout vu, tout entendu ; il s’était jeté à genoux devant le