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Page:Rosny aîné - Les astronautes - 1960.djvu/127

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LES NAVIGATEURS DE L’INFINI

Pour Grâce c’était un monde de féerie. Plus encore que son père, elle menait une vie nouvelle dont le charme s’accroissait continuellement. Elle recherchait la compagnie de Violaine qui l’enchantait, et Violaine subissait l’attraction de Grâce.

Souvent nous sortions à trois, mes deux amours se mêlaient étrangement, si dissemblables et pourtant confondus dans une même origine universelle. Je cherchais à analyser mes sentiments : je me heurtais à un mur de ténèbres… Il semblait que l’atmosphère enchantée de Grâce accrût plutôt mon amour pour Violaine, et il est sûr que je n’aimais jamais mieux ma fiancée que lorsque nous étions tous trois ensemble.

Vint le jour du mariage. Grâce l’attendait avec impatience. Il semblait que ce fussent ses propres noces qu’on allait célébrer.

Une étrange transposition mentale lui faisait désirer voir un être de ma descendance comme s’il eut été engendré par elle-même. Et comme je le lui disais, elle me répondit :

« Je suis sûre qu’il me sera attaché par un lien filial. Il portera quelque chose de ma race… Oh ! ne craignez rien… Ce sera purement intérieur… et toutefois, si jamais il fait le voyage de Mars, il s’y sentira presque un exilé ! »

Elle parlait avec une exaltation entraînante. Ses beaux yeux jetaient des lueurs enchantées. Il s’en fallait que je ne partageasse sa singulière illusion…