Page:Rostand - Le Vol de la Marseillaise, 1919.djvu/17

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             LE VOL DE LA MARSEILLAISE.       3 

Le sombre Ça ira qui piétine, c’est vrai. N’est qu’un bruit de sabots qui demandent des ailes ! » Et de son violon tirant des notes grêles, L’homme cherche à donner des ailes aux sabots ! Il cherche...

            Tout d’un coup, les sons deviennent beaux. 

Le Souffle vient d’entrer. Le Souffle se fait Verbe. Est-ce toi, violon, qui chantes si superbe Sous les doigts d’un modeste élève de Grétry ? Ce grand cri, meurtrier tout ensemble et meurtri, Est-ce lui qui le pousse, et toi qui l’accompagnes ? « Égorger. . . dans nos bras... nos fils... et nos compagnes !..» Et l’homme, répétant avec colère : « Nos », Blême d’imaginer des crimes infernaux. Se penche, et, les doigts vifs sur l’ébène du manche. Sent tout son cœur glisser dans ce bois creux qu’il penche! Il pleure chaque fois qu’il trouve un nouveau cri. Mais des cris peuvent-ils s’écrire?... Il les écrit. Vite, pour prendre au vol les notes irritées. Il tend sur le papier les cinq fils des portées. Ce sera détestable ou sublime. Il a peur. Tout chef-d’œuvre nocturne étant une vapeur Qui peut s’évanouir lorsque blanchit la vitre.