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Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/13

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Ce silence, où le cerf étoit seul entendu,
Frappèrent tous mes sens d’un respect taciturne.
Alors je vis pourquoi, sous leur dôme nocturne,
Les bois furent long-tems pour nos grossiers ayeux
Le temple, où se cachoit le majesté des dieux.
Mon audace renaît ; et poursuivant ma route,
J’arrive aux piés d’un roc, où se courboient en voûte
Cent cormiers l’un dans l’autre enlaçans leurs rameaux :
Ce lieu, m’avoit-on dit dans les prochains hameaux,
Ce lieu sert de théâtre aux scènes valeureuses,
Qui signalent du cerf les fureurs amoureuses.
Je ne fus point trompé. Du roc, en bondissant,
Un cerf impétueux d’un pié léger descend ;
Au milieu de l’arène il s’élance, et s’arrête,
Dresse le bois rameux qui couronne sa tête,
Garde un profond silence, et de ses yeux hagards
Par-tout aux environs promène les regards.
Pour moi, l’oreille ouverte et la vue attentive,
Je retenois sur lui mon haleine captive ;
Quand un souffle imprudent de ma bouche échappé,
Décèle ma présence au cerf qu’il a frappé.