Page:Rougemont, De Courcy, Dupeuty - Le Courrier de la malle, 1832.djvu/18

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Scène V

Prudhomme, une sentinelle, dans le fond, près de la malle, puis le postillon.

Prudhomme; il continue d’abord des bâillements cadencés.
Oh… ah… oh… ah… (Il passe la tête à la portière). Eh bien ! nous n’allons plus ?... Est-ce que ça monte ?... Allons donc, postillon, allons… Mais, Dieu me pardonne, il n’y a plus de chevaux à la voiture !... Je ne m’étonne plus si elle reste en place.

La sentinelle
Qui vive ?

Prudhomme, croyant qu’on s’adresse à lui et s’allongeant.
Joseph Prudhomme, professeur d’écriture, élève de Brard et Saint-Omer, expert assermenté près les cours et tribunaux. (à lui-même). Il parait que nous sommes dans une ville de guerre… Il n’y a pas de mal à ça. (appelant). Conducteur, voulez-vous m’ouvrir la portière, s’il vous plait ?... Conducteur, voulez-vous m’ouvrir la portière, s’il vous plait ?... je descendrais volontiers… ce n’est pas impunément qu’on séjourne si longtemps en voiture !... J’éprouve le besoin de prendre l’air… Conducteur, voulez-vous m’ouvrir la portière, s’il vous plait ?... (Il cherche à ouvrir la portière). Où est-il donc passé, cet homme-là ? Postillon, mon ami, faites-moi le plaisir de m’ouvrir la portière, je vous en supplie, je suis pressé. (Le postillon ouvre ; au moment où Prudhomme descend de la malle, un garçon d’écurie jette un seau d’eau sur les roues et l’éclabousse.) Faites donc attention, maroufle. (Il frissonne). Oh ! oh ! br’r’r’, les nuits sont fraîches, on dirait qu’il tombe du givre. (Il fait sonner sa montre). Trois heures… ça ne peut être que trois heures du matin. Postillon, où sommes-nous ici ?

Le postillon, bredouillant.
Aou wal d’aou…

Prudhomme
Pardon, je n’ai pas parfaitement saisi : vous dites que nous sommes ?...

Le postillon, de même.
Aou wal d’aou !

Prudhomme
Merci, mon ami, merci (à lui-même). J’ai fait semblant de comprendre la seconde fois, pour ne pas le désobliger. Ces hommes d’écurie tiennent évidemment le milieu entre la brute et le cheval. Mais la conversation de cet écuyer me fait oublier le