Page:Rouquet - Petits Poèmes, AC, vol. 68.djvu/7

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Mais on le métamorphose
En baignant son corps charnu
Au fond de la chambre close.

Déjà, l’adorable chose !
On aime cet inconnu,
Le petit bébé tout rose.

Effaré, le père n’ose
Marcher… il semble ingénu
Au fond de la chambre close.

Il va, vient, tourne sans cause,
Heureux qu’il soit bien venu
Le petit bébé tout rose.

Dans le berceau qu’on dispose
La mère a vu l’enfant nu
Au fond de la chambre close,

Et, joyeuse, elle repose,
Couvant d’un œil soutenu
Le petit bébé tout rose
Au fond de la chambre close.



LE JOUET



Ce petit jouet que nous t’apportâmes
Un soir qu’un instant nous t’avions quitté,
Lui, qui dans tes yeux allumait des flammes,
Un seul des grelots nous en est resté.

C’était un laiton garni de clochettes
Dont le timbre grêle en tes sens parlait.
Le manche était noir et tu fis des fêtes
À l’extrémité finie en sifflet.

Tes petites sœurs voulaient te le prendre,
Mais, d’un geste vif, malgré leur émoi,
Tu les écartas et leur fis comprendre
Que tu savais bien qu’il était pour toi.

Ce petit jouet que nous t’apportâmes
Un soir qu’un instant nous t’avions quitté,
Lui, qui dans tes yeux allumait des flammes,
Un seul des grelots nous en est resté.

Nous l’avons gardé parmi nos reliques ;
Et quand nos regrets jamais apaisés
Trop poignants se font plus mélancoliques
Nous le dévorons parfois de baisers.

C’était le premier, mon fils que ta mère
Pour te récréer plaçait dans ta main ;
C’était le premier… ta vie éphémère
En a fait le seul mis sur ton chemin.

L’unique jouet que nous t’apportâmes
Un soir qu’un instant nous t’avions quitté,
Lui, qui dans tes yeux allumait des flammes
Un seul des grelots nous en est resté.