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LA CITÉ DE CARCASSONNE


I


La vieille Cité toute grise
Se profilant dans le lointain
Semble défier le destin
Sur son roc fortement assise.
 
Le voyageur, plein de surprise
N’ose couvrir de son dédain
La vieille Cité toute grise
Se profilant dans le lointain.

Et dans le rêve qui le grise
Son esprit flottant incertain
Voit devant lui surgir soudain
Le long passé qu’elle éternise
La vieille Cité toute grise.


II

Le trictrac seul des tisserands
Trouble le calme de ses lices ;
Les lézards gris, sans artifices
S’y promènent en conquérants.

Les touristes aux pas errants
Courant surtout aux édifices,
Le trictrac seul des tisserands
Trouble le calme de ses lices.

Partout les lierres adhérents
Bouchent des murs les interstices ;
Et ce lieu qui vit des supplices
Jette aux échos indifférents
Le trictrac seul des tisserands.


III

Le lourd cliquetis des armures
Luisantes de fauves éclairs,
Ainsi qu’un écho des enfers,
Sortait jadis des embrasures.

Aujourd’hui le bruit des ramures
Remplace, autour des murs déserts,
Le lourd cliquetis des armures
Luisantes de fauves éclairs.

Mais lorsque dans les crénelures
Des vieux remparts souffle le cers,
On croit entendre dans les airs,
Dominant de vagues murmures,
Le lourd cliquetis des armures.


IV

Les lugubres oiseaux de nuit
Doivent cuver des saturnales
Au creux des voûtes ogivales
Où dans l’ombre leur œil reluit.

Et, quand midi les y poursuit,
Au fond des fosses sépulcrales
Les lugubres oiseaux de nuit
Doivent cuver des saturnales.

Le vautour devant qui tout fuit
Plane sur les tours colossales
Et, de ses notes gutturales,
Va réveiller en leur réduit
Les lugubres oiseaux de nuit.


V

Ô vieux fantôme d’un autre âge !
Berceau de nos vaillants aïeux !
Ton aspect éblouit nos yeux
Des reflets d’un puissant mirage.

Tu rappelles ces Tectosages
Qui bravaient la chute des cieux,
Ô vieux fantôme d’un autre âge !
Berceau de nos vaillants aïeux !

Et si, plus tard, quand le servage
Osa se montrer en tous lieux,
On te vit défier ses dieux,
Moi, je te devais un hommage,
Ô Vieux fantôme d’un autre âge !


VILLANELLE DU NOUVEAU-NÉ



Le petit bébé tout rose
A vagi, sanglant, menu,
Au fond de la chambre close.
Avec son teint de chorose
Il a l’air bien saugrenu
Le petit bébé tout rose.