Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/118

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Disposant de la bourse et des biens d’ici-bas,
Lâche comme Zoïle et froid comme Judas,
Qu’en sa présomption, son audace impunie,
Il imprime sur tout le plomb de son génie ;
Et travaillant pour moi qui l’inspire en secret,
Qu’il croie avec ardeur suivre un divin attrait.
Admiré de tous ceux que j’aveugle moi-même,
Fuyant de la vertu le dangereux extrême,
Qu’en son vain amour-propre il ait la sainte horreur
De tout dessein pieux dont il n’est pas l’auteur !
Des lettres, que sa main décachette en silence,
Son œil impur surprend la chaste confidence !
La Police Secrète en ferait son Vidocq,
Et l’aveugle Pouvoir son avide Moloch !
Ennemi du poète, autant que de l’artiste ;
Il serait Figaro, s’il n’était Janséniste !
Son égoïsme a pris, pour devise et pour loi :
« Nul n’aura de l’esprit que mes amis et moi ! » —
Appelé dans le cloître à faire pénitence,
La grâce en lui n’a pu vaincre la résistance ;
Docile à mon esprit qui s’empara du sien,
Il crut que dans le monde il ferait plus de bien.
Ennemi de quiconque, en tout point, ne l’imite,
Il attend qu’il soit vieux pour qu’il se fasse ermite !
Par la fougue du siècle il se laisse emporter ;
C’est un besoin pour lui d’agir, et d’agiter !
Ainsi donc, l’enivrant d’éloges éphémères,
Fondez par ses efforts un règne de commères.
Pour combattre le bien, en opérant le mal, —
À l’exceptionnel opposant le banal, —
Qu’il soit entre vos mains le levier d’Archimède :
En lui pour me servir vous trouverez un aide ;
Il est fait pour frapper, dès son commencement,
Toute conception d’un rude avortement !
Effrayant tout amour avec son front de glace,
Sa bénédiction est pleine de menace ;
Et remorqué lui-même à la suite des fous,
Il se croit follement le seul sage entre tous !
Il s’est constitué l’apôtre des apôtres ;
Sans se juger lui-même, il juge tous les autres ;
Et dénonçant Marie, en son zéle emporté,
Il ne voit de vertu que dans l’activité !
J’aime l’activité qui va jusqu’au délire ;
L’instinct agitateur convient à mon empire !
Je connais le pouvoir de l’inactivité,
Du jeûne et du silence, en leur humilité ;
Le plus obscur reclus, le plus tranquille ascète,
Peut me vaincre en priant au fond de sa retraite ;
Sans changer de cellule, il m’atteint en tout lieu ;
Il est fort contre moi de la force de Dieu ! —