Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/52

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Fumer, c’est le bonheur ! quand la grande nature,
Au printemps, donne une âme à toute créature,
Quand m’arrive affaibli, pour m’assoupir le cœur,
Un chant de cardinal ou de rouge moqueur ;
Fumer, c’est le bonheur ! quand le tiède mélèze
M’offre une ombelle verte où je respire à l’aise,
Quand, sous le pacanier, sybarite colon,
Je déguste, l’été, ma tranche de melon ;
Fumer, c’est le bonheur ! quand la brumeuse automne
Soupire dans les pins sa plainte monotone ;
Quand la sarcelle arrive et que les tanampos 16.
De nos mille bois-forts troublent le long repos ;
Fumer, c’est le bonheur, quand le coup de nord gronde,
Quand passe le zinzin sifflant comme la fronde 17. ,
Quand l’orgue de nos bois rend de lugubres sons,
Quand tous, au coin du feu, nous nous réunissons,
Et qu’en nos souvenirs de joie ou de tristesse,
Comme une ombre apparaît la lointaine Lutèce,
Centre de l’univers, oasis du cerveau,
Ville qui nous dota, frère, d’un sens nouveau,
Panorama vivant, qui toujours se déroule,
Char immense, éternel, à mille essieux, qui roule…
Fumer, c’est le bonheur ! en voyage surtout,
Sur le Steam-Boat errant, dont la fournaise bout,
Dans l’indien pini qui sur le lac oscille 18.  ;
Sur le vaisseau grondant qui déferle et qui sille,