Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand le marin d’un chant joyeux frappe l’écho
Des rivages de Cube ou des rocs d’Abacco,
Quand le soc de la quille, enfoncé sous la lame,
Se relève, bondit, sur les bancs de Bahame ;
Fumer, c’est le bonheur ! près du Guadalquivir,
Quand une bouche rose et sculptée à ravir,
Qui convie aux baisers, sur qui notre œil s’arrête,
Aspire, à flots légers, la jaune cigarette,
Quand chaque passion, dans le ciel d’un œil noir,
Se reflète et se peint ainsi qu’en un miroir ;
Fumer, c’est le bonheur ! pour toute âme en tristesse,
C’est avoir Léontine ou Grisi pour maîtresse,
C’est presser haletant, sur son cœur attendri,
L’égyptienne Almé, la mystique houri ;
Fumer, c’est le bonheur ! de la zone d’Asie,
C’est comprendre, Adrien, toute la poésie ;
D’un nuage couvert, c’est se rêver sultan
D’Alep ou de Stamboul, de Smyrne ou d’Ispahan ;
C’est peupler le désert ; sous la hutte créole,
C’est d’une gorge en feu titiller l’aréole,
C’est s’enivrer d’amour ; oh ! c’est vivre et jouir…
Oh ! dans l’air agité mollement, c’est ouïr
D’harmonieux soupirs et des plaintes de femme,
Dans un monde idéal c’est faire nager l’âme !!…

Juin 1837.