Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/80

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Comme un point obscurci se détachant des eaux,
Ta Louisiane aimée et ses mouvans roseaux,
Quand des objets connus de la natale rive,
Un jonc de la savane, un vieux bois de dérive,
Un carrion-crow pesant égaré dans les cieux,
Pour la première fois, viendront frapper tes yeux,
Oh ! surtout quand, au loin, comme un arbre qui flotte,
Apparaîtra soudain la barque du pilote,
Quand cet homme attendu, ce rude Américain
Sur les bords du navire apposera sa main,
Et de sa forte voix, de son accent sauvage,
Debout, commandera de suite à l’équipage…
Oh ! que de souvenirs feront vibrer ton cœur,
Créole vagabond, nomade voyageur !
Sur la dunette assis, pensif et solitaire,
Comme d’un long regard tu saisiras la terre !
Comme tu salûras d’un hymne de retour,
D’un chant improvisé de filial amour,
Notre grand fleuve saint, aux sources inconnues,
Et ses vierges forêts, et ses savanes nues !
Oh ! c’est que nous t’aimons, ô vieux Nil des déserts !
Ton nom seul prononcé fait déborder nos vers !
C’est que si nous souffrons, si notre âme oppressée
Partout cherche l’oubli d’une fixe pensée,
Si notre front s’abat sous le poids des ennuis,
Nous te contons nos maux dans le calme des nuits,