Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/413

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j’adoptai dans chaque question le sentiment qui me parut le mieux établi directement, le plus croyable en lui-même, sans m’arrêter aux objections que je ne pouvois résoudre, mais qui se rétorquoient par d’autres objections non moins fortes dans le systême opposé. Le ton dogmatique sur ces matieres ne convient qu’à des charlatans ; mais il importe d’avoir un sentiment pour soi, & de le choisir avec toute la maturité de jugement qu’on y peut mettre. Si malgré cela nous tombons dans l’erreur, nous n’en saurions porter la peine en bonne justice, puisque nous n’en aurons point la coulpe. Voilà le principe inébranlable qui sert de base à ma sécurité.

Le résultat de mes pénibles recherches, fut tel à-peu-près que je l’ai consigné depuis dans la profession de foi du Vicaire Savoyard, ouvrage indignement prostitué & profané dans la génération présente, mais qui peut faire un jour révolution parmi les hommes, si jamais il y renaît du bon sens & de la bonne foi.

Depuis lors, resté tranquille dans les principes que j’avois adoptés après une méditation si longue & si réfléchie, j’en ai fait la regle immuable de ma conduite & de ma foi, sans plus m’inquiéter ni des objections que je n’avois pu prévoir, & qui se présentoient nouvellement de tems à autre à mon esprit. Elles m’ont inquiété quelquefois, mais elles ne m’ont jamais ébranlé. Je me suis toujours dit : tout cela ne sont que des arguties & des subtilités métaphysiques, qui ne sont d’aucun poids auprès des principes fondamentaux adoptés par ma raison, confirmés par mon cœur, & qui tous portent le sceau de l’assentiment intérieur dans le si-