Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/181

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ai trouve, sur-tout pour celui d’Angleterre, des circonstances bien extraordinaires. David Hume, étroitement lie à Paris avec vos Messieurs sans oublier les Dames, devient, on ne sait comment, le patron le zele protecteur, le bienfaiteur à toute outrance de J. J. & fait tant, de concert avec eux, qu’il parvient enfin, malgré toute la répugnance de celui-ci, à l’emmener en Angleterre. La, le premier & le plus important de ses soins est de faire faire par Ramsay son ami particulier le portrait de son ami public J. J. Il désiroit ce portrait aussi ardemment qu’un amant bien épris désire celui de sa maîtresse. À force d’importunité s il arrache le consentement de J. J. On lui fait mettre un bonnet bien noir, un vêtement bien brun, on le place dans un lieu bien sombre, & la, pour le peindre assis on le fait tenir debout, courbe, appuyé d’une de ses mains sur une table bien basse, dans une attitude ou ses muscles fortement tendus alterent les traits de son visage. De toutes ces précautions devoit résulter un portrait peu flatte quand il eut été fidelle. Vous avez vu ce terrible portrait ; vous jugerez de la ressemblance si jamais vous voyez l’original. Pendant le séjour de J. J. en Angleterre, ce portrait y a été grave publie vendu par-tout sans qu’il lui ait été possible de voir cette gravure. Il revient en France & il y apprend que son portrait d’Angleterre est annonce, célébré, vante comme un chef-d’œuvre de peinture de gravure & sur-tout de ressemblance. Il parvient enfin, non sans peine, à le voir : il frémit, & dit ce qu’il en pense. Tout le monde se moque de lui : tout le détail qu’il fait paroir la chose la plus naturelle, & loin d’y voir rien qui puisse faire suspecter la droiture du généreux