Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/244

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œil sec, mais il pleure en pensant à son. innocence, & au prix qu’avoir mérite son cœur.

Il est des malheurs auxquels il n’est pas même permis à un honnête homme d’être préparé. Tels sont ceux qu’on lui destinoit. En le prenant au dépourvu, ils ont commence par l’abattre ; cela devoit être, mais ils n’ont pu le changer. Il a pu quelques instans se laisser dégrader jusqu’à la fausseté jusqu’à la bassesse jusqu’à la lâcheté, jamais jusqu’à l’injustice jusqu’à la fausset jusqu’à la trahison. Revenu de cette premiere surprise il s’est relève, & vraisemblablement ne se laissera plus abattre, parce que son naturel a repris le dessus, que connoissant enfin les gens auxquels il a à faire, il est préparé à tout, & qu’après avoir épuise sur lui tous les traits de leur rage, ils se sont mis hors d’état de lui faire pis.

Je l’ai vu dans une position unique & presque incroyable, plus seul au milieu de Paris que Robinson dans son Isle, & séquestré du commerce des hommes par la foule même empressée à l’entourer pour empêcher qu’il ne se lie avec personne. Je l’ai vu concourir volontairement avec ses persécuteurs à se rendre sans cesse plus isole, & tandis qu’ils travailloient sans relâche à le tenir sépare des autres hommes, s’éloigner des autres & d’eux-mêmes de plus en plus. Ils veulent rester pour lui servir de barrière, pour veiller à tous ceux qui pourroient l’approcher, pour les tromper les gagner ou les écarter, pour observer les discours sa contenance, pour jouir à longs traits du doux aspect de sa misère, pour chercher d’un œil curieux s’il reste quelque place en son cœur déchire ou ils puissent porter encore quelque atteinte. De son