Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/245

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cote il voudroit les éloigner, ou plutôt s’en éloigner parce que leur malignité leur duplicité, leurs vues cruelles blessent ses yeux de toutes parts, & que le spectacle de la haine l’afflige & le déchire encore plus que ses effets. Ses sens le subjuguent alors, & si-tôt qu’ils sont frappes d’un objet de peine, il n’est plus maître de lui. La présence d’un malveillant le trouble au point de ne pouvoir déguiser son angoisse. S’il voit un traître le cajoler pour le surprendre, l’indignation le saisit, perce de toutes parts dans son accent dans s’on regard dans son geste. Que le traître disparoisse, à l’instant il est oublie, & l’idée des noirceurs que l’un va brasser ne sauroit occuper l’autre une minute à chercher les moyens de s’en descendre. C’est pour écarter de lui cet objet de peine dont l’aspect le tourmente qu’il voudroit être seul. Il voudroit être seul pour vivre à son aise avec les amis qu’il s’est créés. Mais tout cela n’est qu’une raison de plus à ceux qui en prennent le masque pour l’obséder plus étroitement. Ils ne voudroient pas même, s’il leur étoit possible, lui laisser dans cette vie la ressource des fictions.

Je l’ai vu, serre dans leurs lacs, se débattre très-peu pour en sortir, entoure de mensonges & de ténèbres attendre sans murmure la lumière & la vérité, enferme vis dans un cercueil s’y tenir assez tranquille sans même invoquer la mort. Je l’ai vu pauvre passant pour riche, vieux passant pour jeune, doux passant pour féroce, complaisant & foible passant pour inflexible & dur, gai passant pour sombre, simple enfin jusqu’à la bêtise, passant pour ruse jusqu’à la noirceur. Je l’ai vu livre par vos Messieurs à la dérision publique, flagorne