Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/260

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il a quoi se borne toute mon opulence. Si quelqu’un dit me savoir aucun autre fonds ou revenu de quelque espece que ce puisse être ; je dis qu’il ment & je me montre ; & si quelqu’un dit en avoir à moi, qu’il m’en donne le quart & je lui fais quittance du tout.”

“Vous pourriez, continua-t-il, dire comme tant d’autres que pour un Philosophe austère onze cents francs de rente devroient, au moins tandis que je les ai, suffire à ma subsistance, sans avoir besoin d’y joindre un travail auquel je suis peu propre & que je fais avec plus d’ostentation que de nécessite. À cela je réponds, premièrement que se le ne suis ni Philosophe ni austère, & que cette vie dure dont il plaît à vos Messieurs de me faire un devoir n’a jamais été ni de mon goût ni dans mes principes, tant que par des moyens justes & honnêtes j’ai pu éviter de m’y réduire ; en me faisant copiste de musique je n’ai point prétendu prendre un état austère & de mortification, mais choisir au contraire une occupation de mon goût, qui ne fatigât pas mon esprit paresseux, & qui pût me fournir les commodités de la vie que mon mince revenu ne pouvoit me procurer sans ce supplément. En renonçant & de grand cœur à tout ce qui est de luxe & de vanité le n’ai point renonce aux plaisirs réels, & c’est même pour les goûter dans toute leur pureté que j’en ai détache tout ce qui ne tient qu’à l’opinion. Les dissolutions ni les excès n’ont jamais été de mon goût ; mais sans avoir jamais été riche j’ai toujours vécu commodément ; & il m’est de toute impossibilité de vivre commodément dans mon petit ménage