Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il n’y a ni vice ni vertu dans le cœur de l’homme, puisqu’il n’y a ni liberté dans sa volonté ni moralité dans ses actions, que tout jusqu’à cette volonté même est l’ouvrage d’une aveugle nécessite, qu’enfin la conscience & les remords ne sont que préjugés & chimères, puisqu’on re peut, ni s’applaudir d’une bonne action qu’on a été force de faire, ni se reprocher un crime dont on n’a pas eu le pouvoir de s’abstenir.*

[*Voilà ce qu’ils ont ouvertement enseigne & publie jusqu’ici, sans qu’on ait songe à les décréter pour cette doctrine. Cette peine étoit réservée au Système impie de la Religion naturelle. À présent c’est à J. J. qu’ils sont dire tout cela ; eux se taisent, ou crient à l’impie, le public avec eux. Risum teneatis, amici !] Et quelle chaleur quelle véhémence, quel ton de persuasion & de vérité pourrois-je mettre, quand je le voudrois dans ces cruelles doctrines qui, flattant les heureux & les riches, accablent les infortunes & les pauvres, en ôtant aux uns tout frein toute crainte toute retenue, aux autres toute espérance toute consolation, & comment enfin les accorderois-je avec mes propres écrits pleins de la réfutation de tous ces sophismes ? Non, j’ai dit ce que le savois, ce que je croyois du moins être vrai bon consolant utile. J’en ai dit assez pour qui voudra m’écouter en sincérité de cœur, & beaucoup trop pour le siecle ou j’ai eu le malheur de vivre. Ce que je dirois de plus ne seroit aucun effet, & je le dirois mal, n’étant anime ni par l’espoir du succès comme les auteurs à la mode, ni comme autrefois par cette hauteur de courage qui met au-dessus, & qu’inspire le seul amour de la vérité sans mélange d’aucun intérêt personnel."