Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

afin de le mettre hors d’état d’y répondre, & de faire entendre les siennes : car si-tôt qu’on s’est laisse persuader qu’il faut le juger, non-seulement sans l’entendre, mais sans en être entendu, tout le reste est force, & il n’est pas possible qu’on résiste à tant de témoignages si bien arranges & mis à l’abri de l’inquiétante épreuve des réponses de l’accuse. Comme tout le succès de la trame dépendoit de cette importante précaution, son auteur aura mis toute la sagacité de son esprit à donner à cette injustice le tour le plus spécieux, & à la couvrir même d’un vernis de bénéficence & de générosité qui n’eut ébloui nul esprit impartial, mais qu’on s’est empresse d’admirer à l’égard d’un homme n’estimoit que par force, & dont les singularités n’étoient vues de bon œil, par qui que ce fût.

Tout tient à la premiere accusation qui l’a fait déchoir tout d’un coup du titre d’honnête homme qu’il avoit porte jusqu’alors, pour y substituer celui du plus affreux scélérat. Quiconque à l’ame saine & croit vraiment à la probité, ne se départ pas aisément de l’estime fondée qu’il a conçue pour un homme de bien. Je verrois commettre un crime, s’il étoit possible, ou faire une action basse à Milord Maréchal*

[*Il est vrai que Milord Maréchal est d’une illustre naissance, & J. J. un homme du peuple ; maie il faut penser que Rousseau qui parle ici, n’a pas en général une opinion bien sublime de la haute vertu des gens de qualité, & que l’histoire de J. J. ne doit pas naturellement agrandir cette opinion.] que je n’en croirois pas à mes yeux. Quand j’ai cru de J. J. tout ce que vous m’avez prouve, c’étoit en le supposant convaincu. Changer à ce point, sur le compte d’un homme estime durant