Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/79

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à l’enfreindre, tandis que le public entier, sans distinction de rang d’age de sexe de caractere, & sans aucune exception, pénétré d’admiration pour la générosité de ceux qui ont conduit cette affaire, s’est empresse d’entrer dans leurs nobles vues & de les favoriser par pitié pour ce malheureux : car vous devez sentir que la-dessus sa sûreté tient à son ignorance, & que s’il pouvoit jamais croire que ses crimes sont connus, il se prévaudroit infailliblement de l’indulgence dont on les couvre pour en tramer de nouveaux avec même impunité, que cette impunité seroit alors d’un trop dangereux exemple, & que ces crimes sont de ceux qu’il faut ou punir sévérerement ou laisser dans l’obscurité.

Rousseau.

Tout ce que vous venez de me dire m’est si nouveau qu’il faut que j’y rêve long-tems pour arranger la-dessus mes idées. Il y a même quelques points sûr lesquels j’aurois besoin de plus grande explication. Vous dites, par exemple, qu’il n’est pas à craindre que cet homme une fois bien connu séduise personne, qu’il se donne des complices, qu’il fasse aucun complot dangereux. Cela s’accorde mal avec ce que vous m’avez raconte vous-même de la continuation de ses crimes, & je craindrois fort au contraire qu’affiche de la sorte il ne servit d’enseigne aux mechans pour former leurs associations criminelles & pour employer ses funestes talens à les affermir. Le plus grand mal & la plus grande honte de l’état social est que le crime y fasse des liens plus indissolubles que n’en fait la vertu. Les mechans se lient entr’eux plus fortement que les