Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/82

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autour de lui des murs de ténèbres impénétrables à ses regards ; ils l’ont enterre vif parmi les vivans. Voila peut-être la plus singuliere la plus étonnante entreprise qui jamais ait été faite. Son plein succès atteste la forcé du génie qui l’a conçue & de ceux qui en ont dirige l’exécution ; & ce qui n’est pas moins étonnant encore est le zele avec lequel le public entier s’y prête, sans appercevoir lui- même la grandeur la beauté du plan dont il est l’aveugle & fidelle exécuteur.

Vous sentez bien néanmoins qu’un projet de ce espece, quelque bien concerte qu’il pût être n’auroit pu s’exécuter sans le concours du Gouvernement : mais on eût d’autant moins de peine à l’y faire entrer qu’il s’agissoit d’un homme odieux à ceux qui en tenoient les rênes, d’un Auteur dont les séditieux écrits respiroient l’austérité républicaine & qui dit-on haîssoit le Visirat, méprisait les Visirs, vouloit qu’un Roi gouvernât par lui-même, que les Princes fussent justes, que les peuples fussent libres & que tout obéit à la loi. L’administration se prêta donc aux manœuvres nécessaires pour l’enlacer & le surveiller ; entrant dans toutes les vues de l’auteur du projet, elle pourvut à la sûreté du coupable autant qu’à son avilissement, & sous un air bruyant de protection rendant sa diffamation plus solennelle, parvint par degrés à lui ôter avec toute espece de crédit, de considération, d’estime, tout moyen d’abuser de ses pernicieux talens pour le malheur du genre-humain.

Afin de le démasquer plus complètement on n’a épargne ni soins ni tems ni dépense pour éclairer tous les momens de sa vie depuis sa naissance jusqu’à ce jour. Tous ceux dont