Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui en ont résulté me restent dans toute leur force ; & sans qu j’aye la volonté ni le courage de les mettre derechef en délibération, je m’y tiens en confiance & en conscience, certain d’avoir apporté dans la vigueur de mon jugement à leurs discussions toute l’attention & la bonne foi dont j’étois capable. Si je me suis trompé, ce n’est pas ma faute, c’est celle de la nature qui n’a pas donné à ma tête unie plus grande mesuré d’intelligence & de raison. Je n’ai rien de plus aujourd’hui, j’ai beaucoup de moins. Sur quel fondement recommencerois je donc à délibérer ? Le moment presse ; le départ approche. Je n’aurois jamais le tems ni la force d’achever le grand travail ; d’une refonte. Permettez qu’à tout événement j’emporte avec moi la consistance & la fermeté d’un homme, non les doutes décourageans & timides d’un vieux radoteur.

À ce que je puis me rappeller de mes anciennes idées, à ce que j’apperçois de la marche des vôtres, je vois que n’ayant pas suivi dans nos recherches la même route, il est peu étonnant que nous ne soyons pas arrivés à la même conclusion. Balançant les preuves de l’existence de Dieu avec les difficultés, vous n’avez trouvé aucun des côtés assez prépondérant pour vous décider & vous êtes resté dans le doute : ce n’est pas comme cela que je fis. J’examinai tous les systêmes sur la formation de l’univers que j’avois pu connoître. Je méditai sur ceux que je pouvois imaginer. Je les comparai tous de mon mieux : & je me décidai, non pour celui qui ne m’offroit point ; de difficultés, car ils m’en offroient tous ; mais pour celui qui me paroissoit en avoir le moins. Je me dis que ces difficultés étoient dans la nature de la chose, que la contemplation de