Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/554

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dans cette ville, & un des amis de M. Hume fut très-surpris quand je lui dis que j’y avois passé.

Trop accoutumé à l’inconstance du public pour m’en affecter encore, je ne laissois pas d’être étonné de ce changement si brusque, de ce concert si singuliérement unanime, que pas un de ceux qui m’avoient tant loué absent, ne parût, moi présent, se souvenir de mon existence. Je trouvois bizarre que précisément après le retour de M. Hume qui a tant de crédit à Londres, tant d’influence sur les gens de Lettres & les Libraires, de si grandes liaisons avec eux, sa présence eût produit un effet si contraire à celui qu’on en pouvoir attendre ; que, parmi tant d’Ecrivains de toute espece, pas un de ses amis ne se montrât le mien ; & l’on voyoit bien que ceux qui parloient de moi n’étoient pas ses ennemis, puisqu’en faisant sonner son caractere public, ils disoient que j’avois traversé la France sous sa protection, à la faveur d’un passeport qu’il m’avoit obtenu de la Cour, & peu s’en falloir qu’ils ne fissent entendre que j’avois fait le voyage à sa suite & à ses frais.

Ceci ne signifioit rien encore & n’étoit que singulier ; mais ce qui l’étoit davantage fut que le ton de ses amis ne changea pas moins avec moi que celui du public. Toujours, je me fais un plaisir de le dire, leurs soins, leurs bons offices ont été les mêmes, & très-grands en ma faveur ; mais loin de me marquer la même estime, celui sur-tout dont je veux parler & chez qui nous étions descendus à notre arrivée, accompagnoit tout cela de propos si durs & quelquefois si choquans, qu’on eût dit qu’il ne cherchoit à m’obliger que pour avoir droit de me marquer du mépris. Son frere, d’abord très-accueillant, très-honnête,