Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de remplir ses devoirs sur la terre ; & c’est en s’oubliant qu’on travaille pour soi. Mon enfant, l’intérêt particulier nous trompe ; il n’y a que l’espoir du juste qui ne trompe point. AMEN.

J’ai transcrit cet écrit, non comme une règle des sentiments qu’on doit suivre en matière de religion, mais comme un exemple de la manière dont on peut raisonner avec son élève, pour ne point s’écarter de la méthode que j’ai tâché d’établir. Tant qu’on ne donne rien à l’autorité des hommes, ni aux préjugés du pays où l’on est né, les seules lumières de la raison ne peuvent, dans l’institution de la nature, nous mener loin que la religion naturelle ; & c’est à quoi je me borne avec mon Émile. S’il en doit avoir une autre, je n’ai plus en cela le droit d’être son guide ; c’est à lui seul de la choisir.

Nous travaillons de concert avec la nature, & tandis qu’elle forme l’homme physique, nous tâchons de former l’homme moral ; mais nos progrès ne sont pas les mêmes. Le corps est déjà robuste & fort, que l’âme est encore languissante et faible ; & quoi que l’art humain puisse faire, le tempérament précède toujours la raison. C’est à retenir l’un & à exciter l’autre que nous avons jusqu’ici donné tous nos soins, afin que l’homme fût toujours un, le plus qu’il étoit possible. En développant le naturel, nous avons donné le change à sa sensibilité naissante ; nous l’avons réglé en