Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cultivant la raison. Les objets intellectuels modéroient l’impression des objets sensibles. En remontant au principe des choses, nous l’avons soustroit à l’empire des sens ; il étoit simple de s’élever de l’étude de la nature à la recherche de son auteur.

Quand nous en sommes venus là, quelles nouvelles prises nous nous sommes données sur notre élève ! que de nouveaux moyens nous avons de parler à son cœur ! C’est alors seulement qu’il trouve son véritable intérêt à être bon, à faire le bien loin des regards des hommes, & sans y être forcé par les lois, à être juste entre Dieu & lui, à remplir son devoir, me aux dépens de sa vie, & à porter dans son cœur la vertu, non seulement pour l’amour de l’ordre, auquel chacun préfère toujours l’amour de soi, mais pour l’amour de l’auteur de son être, amour qui se confond avec ce même amour de soi, pour jouir enfin du bonheur durable tic le repos d’une bonne conscience & la contemplation de cet Etre suprême lui promettent dans l’autre vie, après avoir bien usé de celle-ci. Sortez de là, je ne vois plus qu’injustice, hypocrisie & mensonge parmi les hommes. L’intérêt particulier, qui, dans la concurrence, l’emporte nécessairement sur toutes choses, apprend à chacun d’eux à parer le vice du masque de la vertu. Que tous les autres hommes fassent mon bien aux dépens du leur ; que tout se rapporte à moi seul ; que tout le genre humain meure, s’il le faut, dans la peine & dans la misère pour m’épargner un moment de douleur ou de faim : tel est le langage intérieur de tout incrédule qui raisonne. Oui, je le soutiendrai toute