Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/413

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savants en cette partie, n’est qu’un enfant, &, qui pis est, un enfant de mauvaise foi. Quand j’entends élever Grotius jusqu’aux nues et couvrir Hobbes d’exécration, je vois combien d’hommes sensés lisent ou comprennent ces deux auteurs. La vérité est que leurs principes sont exactement semblables ; ils ne diffèrent que par les expressions. Ils différent aussi par la méthode. Hobbes s’appuie sur des sophismes, & Grotius sur des poètes ; tout le reste leur est commun.

Le seul moderne en état de créer cette grande & inutile science eût été l’illustre Montesquieu. Mais il n’eut garde de traiter des principes du droit politique ; il se contenta de traiter du droit positif des gouvernements établis ; & rien au monde n’est plus différent que ces deux études.

Celui pourtant qui veut juger sainement des gouvernements tels qu’ils existent est obligé de les réunir toutes deux : il faut savoir ce qui doit être pour bien juger de ce qui est. La plus grande difficulté pour éclaircir ces importantes matières est d’intéresser un particulier à les discuter, de répondre à ces deux questions : Que m’importe ? et : Qu’y puis-je faire ? Nous avons mis notre Emile en état de répondre à toutes deux.

La deuxième difficulté vient des préjugés de l’enfance, des maximes dans lesquelles on a été nourri, surtout de la partialité des auteurs, qui, parlant toujours de la vérité dont ils ne se soucient guère, ne songent qu’à leur intérêt dont ils ne parlent point. Or le peuple ne donne ni chaires, ni pensions, ni places d’académies : qu’on juge comment ses droits doivent être établis par ces gens-là ! J’ai fait en sorte