Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/414

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que cette difficulté fût encore nulle pour Emile. À peine sait-il ce que c’est que gouvernement ; la seule chose qui lui importe est de trouver le meilleur. Son projet n est point de faire des livres ; & si jamais il en fait, ce ne sera point pour faire sa cour aux puissances, mais pour établir les droits de l’humanité.

Il reste une troisième difficulté, plus spécieuse que solide, & que je ne veux ni résoudre ni proposer : il me suffit qu’elle n’effraye point mon zèle ; bien sûr qu’en des recherches de cette espèce, de grands talents sont moins nécessaires qu’un sincère amour de la justice & un vrai respect pour la vérité. Si donc les matières de gouvernement peuvent être équitablement traitées, en voici, selon moi, le cas ou jamais.

Avant d’observer, il faut se faire des règles pour ses observations : il faut se faire une échelle pour y rapporter les mesures qu’on prend. Nos principes de droit politique sont cette échelle. Nos mesures sont les lois politiques de chaque pays.

Nos éléments seront clairs, simples, pris immédiatement dans la nature des choses. Ils se formeront des questions discutées entre nous, & que nous ne convertirons en principes que quand elles seront suffisamment résolues.

Par exemple, remontant d’abord à l’état de nature, nous examinerons si les hommes naissent esclaves ou libres, associés ou indépendants ; s’ils se réunissent volontairement ou par force ; si jamais la force qui les réunit peut former un droit permanent, par lequel cette force antérieure oblige, même quand elle est surmontée par une autre, en sorte que