Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/429

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être inverse de celui des citoyens, nous conclurons qu’en général le gouvernement démocratique convient aux petits Etats, l’aristocratique aux médiocres, & le monarchique aux grands.

C’est par le fil de ces recherches que nous parviendrons à savoir quels sont les devoirs & les droits des citoyens, & si l’on peut séparer les uns des autres ; ce que c’est que la patrie, en quoi précisément elle consiste, & à quoi chacun peut connoître s’il a une patrie ou s’il n’en a point.

Après avoir ainsi considéré chaque espèce de société civile en elle-même, nous les comparerons pour en observer les divers rapports : les unes grandes, les autres petites ; les unes fortes, les autres faibles ; s’attaquant, s’offensant, s’entre-détruisant ; et, dans cette action & réaction continuelle, faisant plus de misérables et coûtant la vie à plus d’hommes que s’ils avoient tous gardé leur première liberté. Nous examinerons si l’on n’en a pas fait trop ou trop peu dans l’institution sociale ; si les individus soumis aux lois & aux hommes, tandis que les sociétés gardent entre elles l’indépendance de la nature, ne restent pas exposés aux maux des deux Etats, sans en avoir les avantages, & s’il ne vaudroit pas mieux qu’il n’y eût point de société civile au monde que d’y en avoir plusieurs. N’est-ce pas cet Etat mixte qui participe à tous les deux & n’assure ni l’un ni l’autre, per quem neutrum licet, nec tanquam in bello paratum esse, nec tanquam in pace securum ? N’est-ce pas cette association partielle & imparfaite qui produit la tyrannie & la guerre ? & la tyrannie & la guerre ne sont-elles pas les plus grands fléaux de l’humanité ?