Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/88

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chercher de quelle espèce doit être un prodige, & quelle authenticité il doit avoir non seulement pour être cru, mais pour qu’on soit punissable d’en douter ; comparer les preuves des vrais & des, faux prodiges, & trouver les règles sûres pour les discerner ; dire enfin pourquoi Dieu choisit, pour attester sa parole, des moyens qui ont eux-mêmes si grand besoin d’attestation, comme s’il se jouoit de la crédulité des hommes, & qu’il évitât à dessein les vrais moyens de les persuader.

Supposons que la majesté divine daigne s’abaisser assez pour rendre un homme l’organe de ses volontés sacrées ; est-il raisonnable, est-il juste d’exiger que tout le genre humain obéisse à la voix de ce ministre sans le lui faire connoître pour tel ? Y a-t-il de l’équité à ne lui donner, pour toutes lettres de créance, que quelques signes particuliers faits devant peu de gens obscurs, & dont tout le reste des hommes ne saura jamais rien que par ouï-dire ? Par tous les pays du monde, si l’on tenoit pour vrais tous les prodiges que le peuple & les simples disent avoir vus, chaque secte seroit la bonne ; il y auroit plus de prodiges que d’événements naturels lu ; & le plus grand de tous les miracles seroit que là où il y a des fanatiques persécutés, il n’y eût point de miracles. C’est l’ordre inaltérable de la nature qui montre le mieux la sage main qui la régit ; s’il arrivoit beaucoup d’exceptions, je ne saurois plus qu’en penser ; & pour moi, je crois trop en Dieu pour croire à tant de miracles si peu dignes de lui.

Qu’un homme vienne nous tenir ce langage : Mortels, je