Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/89

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vous annonce la volonté du Très-Haut ; reconnaissez à ma voix celui qui m’envoie ; j’ordonne au soleil de changer sa course, aux étoiles de former un autre arrangement, aux montagnes de s’aplanir, aux flots de s’élever, à la terre de prendre un autre aspect. À ces merveilles, qui ne reconnaîtra pas à l’instant le maître de la nature ! Elle n’obéit point aux imposteurs ; leurs miracles se font dans des carrefours, dans des déserts, dans des chambres ; & c’est là qu’ils ont bon marché d’un petit nombre de spectateurs déjà disposés à tout croire. Qui est-ce qui m’osera dire combien il faut de témoins oculaires pour rendre un prodige digne de foi ? Si vos miracles, faits pour prouver votre doctrine, ont eux-mêmes besoin d’être prouvés, de quoi servent-ils ? autant valoit n’en point faire.

Reste enfin l’examen le plus important dans la doctrine annoncée ; car, puisque ceux sent que Dieu fait ici-bas des miracles prétendent que le diable les imite quelquefois, avec les prodiges les mieux attestés, nous ne sommes pas plus avancés qu’auparavant ; & puisque les magiciens de Pharaon osaient, en présence même de moïse, faire les mêmes signes qu’il faisoit par l’ordre exprès de Dieu, pourquoi, dans son absence, n’eussent-ils pas, aux mêmes titres, prétendu la même autorité ? Ainsi donc, après avoir prouvé la doctrine par le miracle, il faut prouver le miracle par la doctrine [1], de

  1. Cela est formel en mille endroits de l’écriture, & entre autres dans le Deuteronome, chapitre XIII, où il est dit que, si un prophète annonçant des dieux étrangers confirme ses discours par des prodiges, & que ce qu’il prédit arrive, loin d’y avoir aucun égard, on doit met-