Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/609

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Si l’Auteur du Drame a cru sauver ce défaut par la petite fête qu’il a mise au second acte, il s’est trompe. Cette fête, mal placée & ridiculement amenée, doit choquer a la représentation, parce qu’elle est contraire a toute vraisemblance & a toute bienséance, tant a cause de la promptitude avec laquelle elle se préparé & s’exécute, qu’a cause de l’absence de la Reine, dont on ne se met point en peine, jusqu’a ce que le Roi s’avise a la fin d’y penser.*

[*J’ai donne, pour mieux encadrer cette fête de la rendre touchante & déchirante par sa gaîté même, une idée dont M. Gluck a profite dans son Alceste Françoise.]

J’oserai dire que cet Auteur, trop plein de son Euripide, n’a pas tire de son sujet ce qu’il pouvoit lui fournir pour soutenir l’intérêt, varier la scene & donner au Musicien de l’étoffe pour de nouveaux caracteres de Musique. Il faloit faire mourir Alceste au econd acte & employer tout le troisieme a préparer, par un nouvel intérêt, sa résurrection ; ce qui pouvoit amener un coup de théâtre aussi admirable & frappant que ce froid retour est insipide. Mais, sans m’arrêter a ce que l’Auteur du Drame auroit du faire, je reviens ici a la Musique.

Son Auteur avoit donc a vaincre l’ennui de cette uniformité de passion, & a prévenir l’accablement qui devoit en être l’effet. Quel etoit le premier, le plus grand moyen qui se presentoit pour cela ? C’etoit de suppléer a ce que n’avoir pas fait l’Auteur du Drame, en graduant tellement sa marche, que la Musique augmentât toujours de chaleur en avançant, & devint enfin d’une véhémence qui transportât l’Auditeur ;