Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/610

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& il faloit tellement ménager ce progrès, que cette agitation finit ou change d’objet avant jetter l’oreille & le cœur dans l’épuisement.

C’est ce que M. Gluck me paroit n’avoir pas fait, puisque son premier acte, aussi fort de Musique que le second, l’est beaucoup plus que le troisieme, qu’ainsi la véhémence ne va point en croissant ; &, des les deux premieres scenes du second acte, l’Auteur ayant épuise toutes les forces de son Art, ne peut plus dans la suite, que soutenir foiblement des émotions du même genre, qu’il a trop tôt portées au plus haut degré.

L’objection se présente ici d’elle-même. C’etoit a l’Auteur des paroles de renforcer, par une marche graduée, la chaleur & l’intérêt : celui de la Musique n’a pu rendre les affections de ses personnages, que dans le même ordre & au même degré que le Drame les lui présentoit. Il eut fait des contre-sens, s’il eut donne a ses expressions d’autres nuances que celles qu’exigeoient de lui les paroles qu’il avoit a rendre. Voilà l’objection : voici ma réponse. M. Gluck sentira bientôt qu’entre tous les Musiciens elle n’est faite que pour lui seul.

Trois choses concourent a produire les effets de la Musique Dramatique ; savoir, l’accent, l’harmonie & le rhythme. L’accent est détermine par le Poete, & le Musicien ne peut gueres, sans faire des contre-sens, s’écarter en cela, ni pour le choix, ni pour la force de la juste expression des paroles. Mais, quant aux deux autres parties qui ne sont pas de même inhérentes a la langue, il peut, jusqu’a certain point, les