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LIVRE DEUXIÈME 189

<le l'un pour repousser l'autre ; celui dont chaque membre peut être connu de tous et où l'on n'est point forcé de charger un homme d'un grand far- deau qu'un homme ne peut porter ; celui qui peut se passer des autres peuples, et dont tout autre peuple peut se passer (a) ; celui qui n'est ni riche ni pau- vre, et peut se sulïire à lui-même ; enfin, celui qui réunit la consistance d'un ancien peuple avec la docilité d'un peuple nouveau. Ce qui rend pénible l'ouvrage de la législation est moins ce qu'il faut établir que ce qu'il faut détruire ; et ce qui rend le succès si rare, c'est l'impossibilité de trouver la simplicité de la nature j ointe aux besoins de la société. Toutes ces conditions, il est vrai, se trouvent diffici- lement rassemblées : aussi voit-on peu d'Etats bien constitués.

Il est encore en Europe un pays capable de légis- lation : c'est l'île de Corse. La valeur et la constance avec laquelle ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J'ai quelque pressentiment qu'un jour cette petite île étonnera l'Europe (').

(a) Si de deux peuples voisins, l'un ne pouvait se passer de l'autre, ce serait une situation très dure pour le premier, et très dangereuse pour le second. Toute nation sage, en pareil cas, s'efforcera bien vite de délivrer l'autre de cette dépendance. La république de Thlascala, enclavée dans l'empire du Mexique, aima mieux se passer de sel que d'en acheter des Mexicains, et même d'en accepter gratuitement. Les sages Thlascalans virent le piège caché sous cette libé- ralité. Ils se conservèrent libres, et ce petit État, enfermé dans ce grand empire, fut eniin l'instrument de sa ruine. (Note de Rousseau).

(*) On a souvent voulu voir en Bonaparte, qui naquit sept

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