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Les Exploits d’Iberville

prie pour ton malheureux fils ! dors tranquille, tu seras vengé…

— Monsieur le vicomte de Bouteillerie, ajoutai-je, je ne vous dis pas adieu, car nous nous reverrons un jour !…

« Je sortis alors fièrement de la salle et je montai dans mes appartements. J’échangeai l’épée légère que je portais contre une lourde rapière, et je passai deux pistolets portant sur la crosse les armes de mon bienfaiteur dans ma ceinture. Je mis ensuite un peu de linge dans une légère valise, et une somme de trente mille livres en or que j’avais économisée sur la pension que me faisait chaque mois M. Duperret-Janson et un écrin renfermant mes bijoux. Puis je descendis à l’écurie, où je sellai moi-même Phébus, mon cheval favori. Derrière la selle, j’attachai la valise, je traversai avec un sourire triste et de bonnes paroles d’adieu sur les lèvres la haie des serviteurs, qui m’adoraient et qui me voyaient partir avec regret et chagrin, et je franchis seul la porte d’honneur tenant mon cheval par la bride.

« Vous devinez que, tout droit, en sortant du château, je m’acheminai vers le cimetière du village. Le marquis m’avait appris à croire et à aimer les vérités divines de la religion catholique. Là, sur sa tombe, je priai longtemps avec ferveur.

« C’est dans le malheur, mon ami, c’est quand on est près de succomber sous le poids de la douleur que l’on comprend mieux la divinité de ces vérités