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Les Exploits d’Iberville

de la religion. Ah ! c’est surtout en face d’une tombe ouverte, penché sur cette terre humide qui nous sépare à jamais de ceux que nous avons aimés qu’il est consolant de croire à une seconde vie, à l’immatérialité de l’âme, à son immortalité et à la toute puissance de Dieu.

« Que l’on m’amène le matérialiste le plus endurci auprès de ce cercueil que quelques pelletées de terre viennent de séparer du monde, et qu’il ait le triste courage de m’affirmer que celui que je pleure, créature noble, bonne, pure et intelligente, a péri tout entier dans la mort et qu’il n’en reste qu’une vile dépouille que les vers se disputent !

« Ces sentiments, mon ami, je les ressentis dans toute leur plénitude et je m’y abandonnai. Il me sembla que ma prière évoquait la grande âme du marquis, que cette âme se mettait en communication avec la terre et qu’elle m’entourait, capable de saisir les échos de la mienne. Je lui parlai tout bas ; je lui dis comment on avait chassé son fils du toit où il était entré par sa volonté ; je lui demandai de veiller sur ma vie sans but et sans espoir désormais.

« Je sortis ensuite du séjour de la mort plus consolé. Je sautai sur mon cheval qui hennissait d’impatience et je m’élançai sans regarder derrière moi dans la direction de Paris.

— Pardon ! mon commandant, j’aurai fini dans un instant, dit le jeune homme, en remarquant un geste d’impatience de son interlocuteur.