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Les Exploits d’Iberville

— Vous vous trompez étrangement si vous croyez que je reste indifférent à ce récit, mon enfant, reprit d’Iberville. Je vous le répète : ne me faites grâce d’aucun détail ; réellement vous m’avez empoigné, et de longtemps, je n’ai ressenti une pareille émotion.

— Merci, mon ami, de votre intérêt. Il ne me reste que peu de choses à vous dire d’ailleurs.

« À Paris, continua le jeune homme, je me crus en droit de prendre fièrement le nom de mon bienfaiteur. Fut-ce une faute ? Peut être. Quant à moi, je crus en agissant ainsi remplir la volonté de M. Duperret-Janson. Je le portai sans scrupule, ce nom, et sans que personne vint me le contester ; car les collatéraux, qu’une avarice sordide retenait confinés dans leurs terres, ne l’ont appris que longtemps après, comme vous le verrez tout à l’heure. Je me liai avec des jeunes gens de mon âge qui m’introduisirent dans les premières familles de la ville. Ignorant des choses de la vie, dans un tel milieu, je vis bientôt la fin de mes modestes ressources. Grâce à de hautes influences, j’obtins la faveur d’embarquer sur un vaisseau du roi, et j’eus le bonheur de monter précisément sur celui que vous commandiez.

« Vous connaissez mon amour pour la fille de Jean Marie Kernouët qui fut votre ami. Malgré mes deux années de recherches, je n’ai pu obtenir un seul indice de son sort et je la pleure comme une morte.

« Ma vie est donc brisée et il ne me reste plus qu’à trouver la mort quelque part.